« J’ai appelé cette faille Limbo. Un entre-deux. Un espace sans contours, où le temps se dilue et où l’on danse pour survivre. »

L’idée de Limbo est née d’un moment simple : une vidéo tournée dans ma cuisine avec l’aide de ma soeur, sur le morceau Prime Time of Your Life de Daft Punk. Quelque chose dans ce titre — sa tension, sa mélancolie, son urgence — a fait écho à un état que je ressens depuis toujours : celui de l’entre-deux. Un état de flottement, d’apathie, de suspension. Ce moment a ouvert une faille, que j’ai commencé à nommer.

Limbo, ce mot qui évoque à la fois l’attente, l’indécision, les zones marginales. J’ai réalisé que ce que je vivais n’était pas isolé. Ma sœur m’a dit qu’elle connaissait ce même état, qu’il la traversait aussi. Limbo, c’est cette zone grise entre l’euphorie et la perte, entre l’hyperlucidité et la dissolution. Un lieu existentiel qui échappe aux normes et qui pourtant façonne nos vies.

Dans Limbo, je choisis de danser dans cette faille, non pas pour en sortir, mais pour y exister pleinement. Le whacking, danse née dans un club queer afro-latino de Los Angeles dans les années 70, devient ici le vecteur d’une lutte joyeuse, un manifeste corporel. Il donne forme à un état intérieur, à une mémoire vivante.

Il me permet de faire dialoguer différents fragments d’expérience :

• Mon vécu intersexe
• Une sensation chronique de dédoublement
• Une errance dans les marges du spectre de genre
• Une relation au temps suspendue, détraquée
• Le sentiment d’appartenir à une génération sans repères, qui danse sur les ruines avec lucidité et désespoir

Limbo est un solo pour traverser ce lieu de bord, danser jusqu’à l’épuisement, sans but sinon celui d’éprouver l’instant. Un solo pour fêter ce qui survit, ce qui résiste.

— Suzanne Degennaro